Telle une étoile filante, feu Dr. Abderrahmane FENNICH, a éclairé de façon brève mais intense, l’univers artistique marocain.
Né le 2 février 1944 et décédé le 1 octobre 1989 à l’âge de 45 ans, feu Dr. Abderrahmane FENNICH a quand même eu le temps de marquer de son empreinte le monde de la musique et plus précisément, celui de la musique classique marocaine et la musique andalouse, en fondant le trio Ziryab et le groupe Ibn Bajah.
Médecin, il était, et amoureux de l’art et des artistes, il a vécu.

Reconnu pour sa compétence dans le domaine médical ; un cabinet qui ne désemplissait pas, il l’était tout autant dans le domaine artistique.

Un homme qui dormait très peu, qui travaillait beaucoup, un tourbillon qu’on avait du mal à suivre. En un temps record, il a laissé derrière lui un héritage musical conséquent. On aurait dit qu’il savait que, contrairement aux autres, il ne pouvait pas prendre tout son temps.

Pour illustrer la richesse de son œuvre, pour ne citer que les plus importantes, on peut rappeler l’ouverture de l´opérette: « Mina douloumat ila
nour », la romance : « Moudnaki ya malaki », le Ballet « Had Bal Faa » œuvre symphonique avec la collaboration de Mostapha BENNIS, l´opéra « Ouad al Makhazine » avec la collaboration de Driss CHERRADI, l´opéra-ballet : « Min Souss ila Al Andalous », une rapsodie marocaine avec la collaboration de Khayyam MIRZAZADE ,…et bien d’autres compositions à découvrir.

Parallèlement, Feu Dr. Abderrahmane FENNICH a consacré bon nombres de ses voyages à des études ethnomusicologiques sur les tribus du Souss, ainsi que sur les nomades de Goulmine. De même, il s’est intéressé de manière approfondie à la musique classique maroco- andalouse,
et a donné vie au Trio Ziryab qui a eu pour mission de vulgariser ce patrimoine musical grâce à l’animation de conférences et tables rondes organisées à travers le pays et l’étranger, notamment, l´Espagne, la France, la Russie, et l´Amérique Latine.

Il a également fondé l’ensemble Ibn Bajah qui a eu pour but de sauvegarder le restant des modes et de l’anthologie de la musique arabo-andalouse.
Cette envie de communiquer au niveau national et international et de vouloir à tout prix faire connaître la richesse artistique arabo-musulmane est là pour illustrer la fibre patriotique qui a toujours animée le personnage. Ainsi, l’hymne à l’intégrité territoriale marocaine que représente l’opéra
« Mina Douloumat Ila Nour » fut présenté par des artistes russes en l’honneur de son compositeur et à son insu, lors du deuxième festival international de musique à Moscou en 1983. Le langage universel de la musique a permis de sensibiliser à notre cause nationale les 60 nations présentes à cette manifestation.

Si à cette époque de guerre froide, les Américains et les Russes ne s’entendaient pas sur grand chose, ils s’accordaient toutefois à élire le Dr.Abderrahmane FENNICH, pour siéger au sein de jurys lors de manifestations internationales. C’est ainsi que le drapeau marocain fut hissé pour la première fois au premier prix Gabriela Mistral à Washington en 1985, alors qu’il flottait la même année dans le ciel soviétique à l’occasion du centième anniversaire du feu musicologue Ouzair Houssain Hajji Bikof.

Si feu Dr.Abderrahmane FENNICH était soucieux d’exposer au monde entier la richesse de notre culture, il s’intéressait aussi à toutes les autres.
Il a reçu bon nombre de groupes de compositeurs, chanteurs et danseurs venus des quatre coins du monde (BOLCHOY, folklore géorgien, ouzbek, flamenco, orchestre philharmonique de France etc.) et cela, au sein même de sa demeure qui faisait office de salon littéraire du 18ème siècle.

Le docteur Abderrahmane FENNICH ne s’est pas contenté de garder ces richesses pour lui et son entourage, bien au contraire, il s’est toujours arrangé pour faire profiter le public marocain de l’arrivée d’éminents artistes étrangers. A titre d’exemple, on peut citer les visites répétées de l’illustre compositeur azerbaïdjanais des Mille et Une nuits, Fikret Meshedi Jamil oglu Amirov, qui a été reçu à la demeure du défunt. Sous l’impulsion du docteur Abderrahmane FENNICH, ce compositeur connu et reconnu internationalement a donné de nombreuses conférences dans le Royaume, et visité l’école de musique d’Oujda, où il a rencontré des jeunes enfants d’ouvriers marocains novices dans le domaine de la musique, suscitant ainsi de nombreuses vocations.

Par ailleurs, les annales du théâtre Mohammed V sont là pour affirmer cette volonté de partage qui a toujours animé l’homme. C’est dans cette optique qu’il a favorisé l’arrivée de plusieurs groupes étrangers faisant découvrir à chaque fois une culture nouvelle. Le voyage du groupe Roustavi (géorgien) au Maroc en 1987 et les différentes représentations effectuées, ont eu pour but non seulement de faire découvrir une culture différente, mais aussi de montrer que par le chant, le théâtre et la musique, on peut sauvegarder des traditions séculaires.

Feu Dr. Abderrahmane FENNICH, ayant la même conception de la musique, le théâtre et la danse comme moyens de sauvegarde d’une culture ancestrale (arabo-andalouse), a permis à cette troupe classée patrimoine mondial par l’UNESCO, de présenter une de ses créations, la danse maroco-andalouse « assaki » de Nawbat al Istihlal, extrait du ballet « Min Souss ila Al Andalous ».

Médecin, musicologue, mécène, aussi passionnant que passionné, feu Docteur Abderrahmane FENNICH a palpé le pouls de son auditoire,
et a su faire vibrer de manière courte mais intense sa fibre artistique.

Si feu Dr. Abderrahmane nous a quitté, son âme est restée bien vivante dans nos esprits, et ses travaux exprimés par l’histoire, par la légende
et par la musique resteront comme un inoubliable point d’orgue.